TRIGLAV CERCLE
RENCONTRE AU CHATEAU DE POUSSIGNOL, BLISMES, 58120, France, 29 JUIN-1 JUILLET 2018
SCIENCE, TECHNOLOGIE ET ESPRIT HUMAIN
ORDRE DU JOUR ET PROGRAMME DE TRAVAIL
Présentation du sujet
Dans un pays où les universités attirent des étudiants du monde entier et où des scientifiques reçoivent régulièrement des prix Nobel, le gouvernement actuel ignore les résultats de la recherche scientifique lorsqu’ils contredisent ses politiques. Il professe le mépris de l’objectivité, de la rigueur intellectuelle et de l’honnêteté morale. Il agit comme s’il avait le pouvoir et le droit de façonner la «réalité» à volonté.
Dans d’autres pays aux régimes autoritaires de longue date, la science est hautement respectée et les scientifiques sont au sommet de l’échelle sociale, mais la recherche scientifique et ses résultats sont principalement orientés vers le prestige et le pouvoir de la nation et de son élite dirigeante. La liberté d’investigation et la créativité sont tolérées, voire encouragées, tant qu’elles servent les objectifs de l’appareil politique.
Dans les pays qui bénéficient encore d’institutions démocratiques fonctionnant raisonnablement bien et qui apprécient toujours une quête désintéressée du savoir, la recherche scientifique a lieu dans diverses institutions publiques, semi-publiques et privées, y compris celles qui ont pour mandat de servir l’intérêt public. Et il existe des organismes nationaux, par exemple des comités de bioéthique, qui conseillent les gouvernements et les sociétés sur les développements scientifiques et technologiques qui ont de profondes conséquences sur la condition humaine et son avenir.
Cependant, dans beaucoup de ces derniers pays, la res publicarisque d’être étouffée par le poids croissant des intérêts des grandes corporations. Par exemple, il y a quelques mois, les preuves «scientifiques» présentées par la Commission Européenne pour justifier sa proposition au Conseil Européen de prolonger l’utilisation du glyphosate dans l’agriculture pour cinq années de plus, s’est révélée être fondée sur des données fournies par les industries intéressées. Néanmoins, l’Union Européenne a accepté cette proposition. Ce genre de «victoire» des intérêts des entreprises se déroule dans un environnement propice. Notamment, en acceptant le mouvement de privatisation initié au cours des années 1980, la plupart des Etats démocratiques se privent de la capacité de promouvoir la recherche scientifique indépendante et d’orienter les innovations technologiques vers des applications choisies selon des méthodes transparentes et démocratiques.
Dans le monde entier, la créativité des scientifiques, des ingénieurs et des techniciens continue de se mobiliser pour le développement de nouvelles armes plus destructrices.Des ressources humaines et financières considérables sont consacrées à l’armement et au développement des capacités militaires. Selon l’Institut de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), les dépenses militaires mondiales ont atteint 1739 milliards de dollars en 2017, une augmentation de 1,1% en termes réels par rapport à 2016. Probablement à la fois cause et effet, cette militarisation de la planète se place dans un contexte de conflits de longue durée et de tensions accrues. Et, moins mesurable mais tout aussi évidente est la violence, sous toutes ses formes et manifestations, qui imprègne l’esprit de notre temps.
Dans la culture dominante actuelle, l’utilisation de la science à des fins destructrices coexiste avec une croyance héritée du scientisme du XIXe siècle selon laquelle les problèmes auxquels l’humanité est confrontée peuvent tous être abordés et résolus par la seule «Raison». L’idée au cœur du positivisme d’un progrès linéaire continu sur tous les aspects de la condition humaine a certes été gravement atteinte par les horreurs des cent dernières années et la foi dans un avenir sans nuages n’est plus un sentiment largement partagé. Mais il reste que la rationalité instrumentale, c’est-à-dire le choix des buts de l’action et des moyens pour les atteindre selon une démarche se prétendant purement objective, nécessaire et « value-free », est le mode de fonctionnement privilégié de la plupart des gouvernements et autres institutions publiques sur la scène mondiale. La foi dans le progrès social a été remplacée par la foi dans les technologies. Au sein des «sciences sociales» – un concept issu du scientisme – l’économie, avec son apparence de rigueur scientifique, monopolise les débats publics et l’élaboration des politiques. D’autres sources de connaissances que la science, notamment la philosophie et la spiritualité, sont négligées.
Thèmes suggérés pour le débat
Deux thèmes sont proposés:
- La situation des scientifiques dans le monde d’aujourd’hui
- « Progrès» technologique et idéaux transcendants
Premier thème: La situation des scientifiques dans le monde d’aujourd’hui
Ce thème pourrait être divisé en deux parties:
- la situation des scientifiques dans les régimes autoritaires, et
- les scientifiques et la culture des corporations.
Les scientifiques dans les régimes autoritaires
Parmi les questions possibles:
– Quels sont les conflits éthiques rencontrés par ces scientifiques et quelles sont leurs options?
– Les régimes autoritaires, y compris les régimes démocratiques en situation de guerre, ont produit des avancées scientifiques significatives et parfois utiles à l’humanité. Comment pouvons-nous rendre compte de cette gênante réalité?
– Il y a toutes les raisons de traiter la science et ses résultats comme un bien commun de l’humanité. Alors, à moins de l’improbable avènement d’un gouvernement mondial démocratique et orienté vers l’intérêt général, la conscience individuelle du chercheur et du savant est-elle la seule protection contre une « science sans conscience » qui « n’est que ruine de l’âme » ?
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Les scientifiques et la culture des grandes corporations
– Quelles leçons peut-on tirer de la lutte épique de certains agriculteurs et de personnes et organisations membres de la societe civile contre Monsanto et autres géants similaires ? similaires?
– Il est inévitable et légitime pour les très grandes entreprises d’avoir leurs propres capacités de recherche. Quels sont les moyens dont disposent aujourd’hui les États pour vérifier que de telles recherches ne vont pas a l’encontre de l’intérêt public?
– Il semble que les universités, hôtes traditionnels de la recherche indépendante, soient de plus en plus inclinees, ou contraintes, de querir des ressources dans le monde des grandes corporations. Quelles sont les explications et les conséquences de cette tendance? Pourrait-il être inversé?
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Deuxième thème: «progrès» technologique et idéaux transcendants
La lettre d’invitation à cette rencontre, datée du 4 avril 2018, fait référence aux travaux du philosophe Tomonobo Imamichi, et inclut la déclaration suivante: “La rationalité instrumentale sape les idéaux transcendants et place le progrès technologique dans une position de primauté sur d’autres buts humains (…) Ceux-ci sont circonscrits par les horizons du savoir-faire technique et du pouvoir de la technologie.» Ainsi,« la culture de la modernité a inversé la structuration logique classique de l’intention humaine ».
Des commentaires généraux ou spécifiques sont sollicités sur:
– Cette déclaration
– La question des sources de connaissances
Parmi les questions qui pourraient être débattues:
– Comment comprenons-nous la notion d ‘«idéaux transcendants»?
– Au niveau individuel, l’affirmation que les «objectifs humains» incluent souvent et devraient inclure des «idéaux transcendants» est plutôt commune, sinon partagée par toutes les écoles philosophiques. Au niveau collectif, en termes de projet de société, les choses sont très différentes: la tradition libérale protège la liberté des citoyens en limitant les institutions publiques à des fonctions modestes. Pourtant, le besoin de notre monde pour des «horizons» autres que «le savoir-faire technologique et le pouvoir» semble être très réel. Quels devraient être ces horizons? Quelles institutions devraient les promouvoir?
– L’utilisation de diverses sources de connaissances, en particulier pour l’élaboration et l’évaluation des politiques, semble être très nécessaire, mais il existe des signes de mépris pour la connaissance elle-même et en particulier pour une recherche scientifique honnête. Est-ce un “accident” ou le début d’une tendance inquiétante? Comment cette forme remarquable d’obscurantisme pourrait-elle être combattue?
PROGRAMME DE TRAVAIL
Vendredi 29 juin
Arrivée au Château de Poussignol en fin d’après-midi
Dîner à 20h
Samedi 30 juin
9h00: ouverture de la réunion; introductions
10h-12h30: Présentation du film sur la vie de Karl Friedrich von Weizsacker et discussion
(Pause café vers 11h)
13h00: Déjeuner
14h30-18h00: Discussion du thème 1 La situation des scientifiques dans le monde d’aujourd’hui
(Pause café vers 16h30)
20h00: Dîner
Dimanche 1er juillet
9h00-12h30: Discussion du thème 2
“Progrès” technologique et idéaux transcendants
13h: Déjeuner
14h30-16h00: Conclusions et échanges sur les travaux futurs du Cercle
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