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Salon du Developpement Social, Bamako, Mali, 28-30 Janvier 2006


Theme : Savoir et Savoir-faire au service du developpement social

Intervention de Jacques Baudot : Sciences sociales et politiques internationales de developpement social : quels impacts ?

Points pour cette intervention 

Avec votre permission, je voudrais interpreter ce sujet sous la forme de trois questions :

  • quelle est la legitimite de la reflexion sur le developpement social qui est menee au niveau international ? Qu’est ce qui justifie cette activite qui se traduit en declarations et recommendations  adressees a ce que l’on appelle la communaute internationale ?
  •  quel jugement peut-on porter sur cette reflection/action, ses caracteristiques, ses forces et ses faiblesses, et son impact ?
  • quel est l’avenir souhaitable de cet effort international ? dans quelles directions recherche et politiques de developpement social menees par les organizations internationales devraient elles etre menees ?

Et je tenterai d’apporter quelques elements de reponse a ces questions depuis la perspective qui m’est propre, c’est-à-dire celle de quelqu’un qui a eu le privilege d’etre un membre du Secretariat de l’ONU pendant de nombreuses annees, et qui, de surcroit a une profonde affection et estime pour cette organization. Mes prejuges ne sont donc que trop reels…Perspective depuis l’ONU et, dans la mesure du possible du systeme des Nations Unies. Et a cet egard, je dois vous avouer un regret, celui de ne pas avoir œuvrer suffisamment, durant l’exercice de mes differentes fonctions, pour un renforcement des liens entre l’ONU et l’UNESCO. J’ai ete convaincu, depuis longtemps, que le discours de l’ONU en matiere de developpement et d’organization des societes, y compris la societe internationale en devenir, aurait beaucoup gagne en profondeur et en humanite, donc en realisme et en credibilite, s’il avait beneficie de relations plus etroites entre les secretariats de l’ONU et de l’UNESCO, sans parler des organes deliberants de ces deux organizations. Certaines pesanteurs, notamment la domination d’une rationalite economique concue de facon trop etroite, etaient, et sont sans doute encore trop fortes pour que la science, la culture et l’education trouvent leur juste place dans les deliberations internationales sur le development et l’amelioration de la condition humaine. Je reviendrai sur ces pesanteurs.

Premiere question donc, la legitimite de la reflection et des deliberations sur le developpement social, au niveau international.

Un mot, au prealable, sur le concept de developpement social. Je lui donne une signification tres englobante. Bien-etre des individus, ou plutot des personnes, et harmonie des societes. Bien-etre materiel, affectif, intellectuel et spirituel. Liberation des contraintes liees a la constante recherche des moyens de la survie et exercice plein des droits de l’Homme. Harmonie des societes dans les relations entre groupes sociaux, dans les relations de pouvoir, dans le jeu des structures, institutions et processus qui font qu’un groupement humain, qu’une communaute est a la fois paisible et creatrice, a l’aise avec elle-meme et ouverte sur le monde. C’est dire que le developpement social, ainsi concu, englobe le developpement economique et aussi le developpement humain. ( notion de developpement humain, « human development », avec tous ses merites et sa grande utilite, ne saurait remplacer le concept de developpement social que dans une perspective exclusivement liberale, cette forme de liberalisme qui en placant l’individu au centre des reflections et des politiques tend a releguer la societe au niveau des obstacles et des contraintes a l’epanouissement de cet  individu…) Quant au developpement economique, il suffira de rappeler que la science economique est l’une des sciences humaines et que sa separation de la philosophie et de la morale est un phenomene recent qui n’a pas eu que des effets heureux, loin de la…Cette conception du developpement social est celle du Sommet de Copenhague…

Il est legitime de se preoccuper de ce developpement social dans les instances internationales, d’abord parce que le monde est un. Il y a interdependence de fait entre les nations et les peuples du monde. D’abord au niveau des menaces (armes de destruction massive, atomique et chimique notamment, menaces sur l’environment et l’ecologie de la planete, menaces sur la sante avec les diverses epidemies et endemies, menaces imputables au terrorisme et aux diverses manifestations de criminalite qui ignorent les frontieres), et ensuite de facto interdependence au niveau des facilites de communication et d’echanges (nul pays ne peut aujourd’hui avoir des frontieres impermeables), et en outre interdependence du fait du role grandissant d’acteurs transnationaux, notamment dans les domaines politiques, economiques et financiers. Outre quelques nations, au premier chef bien sur les Etats-Unis d’Amerique, qui ont la possibilite d’influencer de diverses manieres tous les pays du monde, des acteurs, pour lesquels le vocable de « prive » ou « secteur prive » n’a plus grand sens car ils exercent un pouvoir qui naguere etait l’apanage de la puissance publique, elaborent et appliquent des strategies de conquete et de domination a l’echelle de la planete. Il a ete souvent remarque que ces firmes multinationales et banques sont plus puissantes qu’un grand nombre d’Etats. 

Eu egard a cette interdependence de fait entre peuples et nations, il est certes logique que des organizations internationales, et notamment l’ONU a laquelle sa Charte donne la mission d’œuvrer a l’amelioration de la condition humaine (« betterment of the human condition »), se preoccupent  de developpement social. Quelle strategie de cooperation internationale peut permettre de soutenir les efforts nationaux pour reduire la pauvrete ? Reduire les inegalites ? Promouvoir le respect des droits de l’homme, aussi bien les droits civils et politiques que les droits economiques et sociaux, et culturels ? Quelles politiques sociales soutenues par quelles forces, financees de quelle maniere, permettraient d’equilibrer et de controler, d’orienter les forces economiques et financieres, et aussi politiques, qui se donnent libre cours a l’age de la mondialisation ? 

Il est d’autant plus logique et legitime que l’ONU et les institutions specialisees se preoccupent de cooperation pour le developpement social que ce monde interdependent est un monde petri de conflits, un monde ou regne de multiples formes d’injustice, un monde fracture ou la violence se banalise. Il y a ce que l’on appelle le sous-developpement, la pauvrete materielle massive et persistante, les violences et les refugies et les personnes « internally displaced », les violations des droits de l’homme, le chomage, le sous-emploi et l’exploitation des plus faibles y compris par les entites economiques les plus modernes et les plus « performantes » sur le marche mondial, il y a aussi le crime, l’exploitation sexuelle, il y a encore tous ceux que naguere l’on appelait les « Mozart assassines » c’est-à-dire ces enfants a qui n’est pas donnee la chance d’exprimer leurs talents et de developper leurs aspirations…La litanie des souffrances et des problemes qui affligent le monde et qui sont autant d’insultes a la conscience universelle et de blessures morales infligees a la famille humaine est longue, tres longue. Confrontees a ces problemes, les organizations internationales ont le devoir de degager un espace politique ou ils puissent etre analyses, evoques, debattus, confrontes, et ou des solutions puissent etre degagees. Tracer a l’humanite les lignes directrices d’un avenir commun, a partir de valeurs communes, de normes universelles, degager un ideal qui puisse servir de guide, de repere aux gouvernements nationaux et aux autres acteurs du developpement social, indiquer les politiques concretes qui peuvent etre mises en œuvre pour realiser ces objectifs, que ce soit dans le domaine de la justice sociale, ou de la fiscalite, ou du commerce, mettre en lumiere les liens etroits qui existent entre les politiques macro-economiques, nationales et internationales, et les conditions de vie de certains groupes, telles sont certaines des lignes directrices d’une politique internationale du developpement social.

Cette politique s’est exprime, au cours des decennies et dans le cadre des Nations Unies, au niveau normatif par les Strategies pour les decennies du development depuis les annees 60s jusqu’aux annees 80s, par des declarations du type Declaration sur le Developpement et le Progres Social de la fin des annees 60s, par les grandes conferences des annees 1990, sur le Developpement Durable, la Population et le Development, les Droits de l’Homme, le Developpement Social, la Condition de la Femme , et l’Habitat, et enfin par la Declaration sur le Millenaire et, en Septembre dernier, le document adopte par le Sommet ayant examine la mise en œuvre des objectifs du Millenaire et les reformes proposees par le Secretaire General. 

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