POURQUOI LA NATURE EST-ELLE ABSENTE DES PREOCCUPATIONS POLITIQUES ACTUELLES?
BY PHILIPPE ROCH
Homme – Nature
L’idée que l’homme fait partie de la nature, en soi juste, permet souvent de justifier toutes les activités humaines, même celle qui détruisent la nature : une autoroute, une construction, un défrichement, la chimie, les OGM et le nucléaire seraient ainsi la Nature.
Il faut souvent préciser que nous parlons de la nature sauvage, celle que l’homme n’a pas faite (Hainard).
Descola décrit les divers types de rapports entre l’homme et la nature au sein des diverses cultures : animisme, totémisme, analogisme et le naturalisme moderne qui crée une coupure entre la nature et nous.
Il faut aussi cultiver la nature en nous (Hainard, Abram1), l’homme archaïque en nous (Rousseau, Jung), pour retrouver un respect évident, spontané envers la nature.
1 « Empêtrée dans une quantité d’abstractions, notre attention est hypnotisée par une foule de technologies façonnées par la main de l’homme qui ne nous offrent jamais qu’un reflet de nous-mêmes; il est donc bien trop facile d’oublier notre héritage charnel ancré dans une matrice de sensations et de sensibilités au-delà de l’humain. Nos corps se sont formés à travers une délicate réciprocité avec les multiples textures, sons et formes d’une Terre animée; nos yeux ont évolué en interaction subtile avec d’autres yeux, comme nos oreilles sont, par leur structure même, en accord avec le hurlement des loups et l’appel des oies. Se fermer à ces autres voix, continuer par notre mode de vie à condamner ces autres sensibilités au néant de l’extinction, c’est dérober à nos propres sens leur intégrité et à notre esprit sa cohérence. Nous ne sommes humains qu’à travers un contact bienveillant avec ce qui n’est pas humain. C’est seulement à travers cette réciprocité avec l’Autre que nous commençons à nous guérir nous-mêmes. »
Réductionnisme mécaniste
Le succès de la science et de la technique a conduit l’humanité à se concentrer sur cette forme de connaissance et d’action sans remarquer qu’elle réduit notre conception du monde à une vision mécanique étroite. C’est le désenchantement, la perte de l’âme. Cette réduction est visible dans l’évolution du langage onusien qui passe successivement de nature (années 1950) à environnement (1972), puis à développement durable (1992) et finalement à croissance verte (2012). La nature s’est parallèlement transformée en biodiversité. Par exemple nous sommes passés d’une vision holistique de l’arbre à sa simple réalité économique, au mieux écologique (voir document annexe).
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Politique
La politique et les institutions sont conduites par la culture et les valeurs. Or aujourd’hui la culture est vide, mécaniste, consumériste, réductionniste : même l’art est souvent le reflet de ce réductionnisme.
Que faire ?
- Penser nature
Il est important de nourrir la pensée et de créer de nouvelles références philosophiques et de nouvelles valeurs. Penser, parler (le Verbe de la tradition), écrire, prendre position sont des leviers puissants. Une lignée de penseurs existe : Giordano Bruno, François d’Assises, Michel Servet, Jean-Jacques Rousseau, John Muir, Aldo Leopold, Arne Naess, Robert Hainard
- Enseigner la nature
La connaissance de la nature, de la diversité, des cycles, de l’interdépendance entre tous ses éléments est indispensable à une nouvelle prise de consciencve, pour sortir du réductionnisme scientiste.
C’est pourquoi l’école doit consacrer du temps à la nature sauvage, et qu’il faut favoriser la création de centres-nature pour les enfants et le public.
- Vivre la nature
L’immersion dans la nature permet de vivre des expériences émotionnelles (la beauté de la nature) et spirituelles (son infini). Eprouver la nature comme un ensemble, à travers la totalité de notre personne.
- Modes de vie
Notre mode de vie majoritaire actuel n’est pas viable, et il sera incapable de se réformer.
Seuls de nouveaux modes de vie pourront donner l’envie de changer de valeurs, et de construire un bonheur sur le respect, la joie, le partage et finalement l’amour. Il faut remplacer l’objectif quantitatif (croissance du PIB) par un objectif qualitatif (Bonheur national, qualité de vie). Il est donc important de favoriser l’émergence de nouveaux modes de vie. Ce sont, comme les ermitages et les monastères du haut Moyen-Âge, les lumières qui annoncent une nouvelle civilisation. Je pense en particulier aux communautés agricoles autarciques (Longo Maï), aux anthroposophes (agriculture biodynamique), aux mouvements de solidarité dans les quartiers et à toutes les expériences d’une vie plus sobre et solidaire. Tous ces mouvements ne sont pas destinés à survivre, et certains sont peut-être même contre-productifs, mais ils forment l’humus d’une nouvelle civilisation.
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